
Série
Chair Terre
Year:
2022
Chair Terre
« Le problème du monde, et pour commencer,
celui du corps, c’est que tout y demeure. »
Merleau-Ponty
L’œuvre photographique de Julie Peiffer se situe là où le sensible se confond avec le beau. Comme à la Renaissance, quand l’Esthétique, jusque-là « science des Sensations » est devenue « science du Beau ». Dans cette dialectique nature/culture qui a construit le sujet gréco-romain, où l’« écologie » n’était à l’origine que le rapport à notre « maison-planète », l’articulation de l’humain au monde terrestre : « Je suis ma planète. », « Je suis la nature. ». Bien avant l’urgence politique qui hante notre XXIe siècle.
Dans cette série plurielle intitulée « Chair Terre », loin de la vi(ll)e qui a d’abord été son terrain d’investigation, la photographe se déplace au cœur de la forêt limousine pour poser ces questions qui l’effraient à l’heure du dérèglement climatique et de ses conséquences catastrophiques : l’être humain peut-il encore faire-corps avec la terre, quel type d’humanité pourrait dire la beauté de la nature, un corps peut-il devenir terre, être l’allégorie de la Terre ?
Julie Peiffer photographie les femmes. C’est donc le corps féminin qui s’impose à elle pour répondre à ces questions. Quand dans l’Amérique latine précolombienne, on trouve la déesse Pachamamá : la « Terre-Mère », Terre qui enfante l’Humanité. Ainsi se précisent les questions : un corps féminin peut-il (re)devenir la terre, la femme/terre peut-elle engendrer la terre/femme, et si la terre peut engendrer la terre, est-ce à dire que la femme peut s’auto-engendrer elle-même ?
À cet endroit, Julie Peiffer rencontre la danseuse comme Mallarmé, dans son énigmatique formule : « La danseuse n’est pas une femme qui danse. » ; car la danseuse est ce sujet hors-norme, qui a compétence à l’auto-engendrement. Faire, pour dire, ce qui en va de l’Être, en toute solitude, en toute liberté.
On est très loin de Salomé, contrainte de danser sous peine de mort, pour séduire l’homme. L’Éros, dont il est ici question, est au-delà de la dialectique du féminin et du masculin. Il est la pure « sublimation » du geste artistique. Le corps de la femme-qui-danse est affranchi du devoir de plaire à l’homme. Sa sensualité innocente est animale. Son érotisme brut et sobre est celui de la femme dans sa plus profonde intimité. L’intimité sauvage.
La photographe et son modèle sont dans la nature inviolée. Dans une transcendance qui est un retour à l’immanence du terrestre.
Aurélia Jarry
Docteur en Philosophie & Poète
(Janvier 2023)
Série composée d'une quinzaine de photographies. Réalisée en Limousin en aout 2022, en collaboration avec la danseuse chorégraphe Aurélia Jarry.
Imprimées sur papier photo Hahnemühle Photo Rag 308 g - Matt FineArt smooth par le laboratoire expert en tirage Konica à Nancy. Encadrées par la Galerie de l'Atelier, Nancy.
Tirages photographiques numérotés de 1 à 8 exemplaires.












